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  • Le Chat Botté / Patrick Rambaud

    Le chat botté, tel est le titre d'un roman historique de Patrick Rambaud paru en © 2006 ed.Grasset. Il résulte, d'une  première impression,  que ce livre peut être perçu comme une suite (sans doute involontaire) des dernières pages de  Les dieux ont  soif d'Anatole France décrivant après thermidor la réaction antijacobine de la jeunesse dorée dite des muscadins.

    Chatbotde

    L'ouvrage de Patrick Rambaud, en un prélude « Robespierre est tombé!» et cinq chapitres, décrit en extension cette période thermidorienne avec comme fil  diégétique l'arrivée  au pouvoir de Buonaparte, le chat botté  d'après des témoignages (pp.70-71).

    Jusqu'au bout, le narrateur-auteur tient à marquer une différence onomastique, Buonaparte, qui prend fin lors de son mariage avec Joséphine de Beauharnais. Et c'est sur l'affirmation de cette différence que se termine le livre , alors que Napoléon signe une lettre à Joséphine avant son départ pour l'Italie : " Pour la première fois il a francisé son nom. Il va dorénavant  s'appeler Bonaparte". ( p.323)

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    L'invention d'un personnage fictif, le jeune Saint-Aubin, muscadin, royaliste, mais qui côtoie Buonaparte (avant de refuser de (le) servir), permet de donner une tonalité romanesque  à ces pages qui, sans cela,  resteraient   la chronique des intrigues d'un militaire ambitieux.
    La péripétie du chapitre IV( pp177-269) : Les Canons, relatant l'attaque de l'église Saint Roch  commandée par Barras et Buonaparte,  rompt avec la bienséance des discussions de salon :

    1024px attaque de la convention nationale 1795 bb

    "Pendant la mitraillade, Saint-Aubin avait eu à la fois beaucoup de chance et une grande peine. Dussault était par hasard devant lui, sur le perron de l'église. La première décharge lui avait été fatale et Saint-Aubin le reçut dans ses bras, le hissa jusqu'au portail  en toussant à cause de la fumée. A l'intérieur il posa son ami contre les grilles d'une chapelle et resta un moment prostré, à genoux sur les dalles, indifférent aux déflagrations répétées des canons. Les muscadins couraient dans tous les sens, cherchant une sortie; "(P.259)

     Les premières phrases du cinquième chapitre,  Le pouvoir (p.271) préfigurent le climat d'une nouvelle donnée politique :" Dans les semaines qui suivirent la canonnade de Saint-Roch, le général Buonaparte se transforma. Pourtant après cette journée brutale dont personne n'était fier à la Convention,  qui le connaissait? "

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    Une citation de Diderot précédant ce  dernier chapitre,  ouvre sur la signification de l'œuvre et suggère deux types de vérité  :

    «(....) Celui qui prendrait ce que j'écris pour la vérité serait peut-être moins dans l'erreur que celui qui le prendrait pour une fable.» Jacques le fataliste et son maître.

     

     

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  • Molière et L' Impromptu

    Le deuxième centenaire de la fondation de la Comédie-Française en 1880, lors de sa célébration, fut aussi l'occasion de la reprise de L' lmpromptu de Versailles,  pièce pratiquement exclue duMolière dans l'Impromptu répertoire, après pourtant la réunion en seul théâtre des deux troupes de l'Hôtel de Bourgogne et de la rue Génégaud, selon la décision du Roi  en 1680.
    Situation rien moins que paradoxale.

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    L'interprétation actuelle   a transformé en objet théorique L'Impromptu de Versailles, que Molière tenait  pour une pièce de circonstance. Il n'en demanda pas lui-même le privilège d'  impression, et elle figure seulement dans les œuvres posthumes de 1682. : 

     

    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k72437b/f4.item

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    Outre ces aléas de publication, la discontinuité des représentations est également curieuse à suivre .  La notice de présentation du  deuxième centenaire de la fondation de cette célèbre maison en évoque les impedimenta :

    https://archive.org/details/deuximecentenai00moligoog

    "Quant à l'Impromptu de Versailles, dit en 1880 l'auteur de la notice qui annonce  cette cérémonie , ce sera, depuis la mort de Molière, sa troisème représentation et, circonstance assez bizarre, c'est Noticecfprécisément l'acte dont la Comédie Française fête l'anniversaire, la lettre de cachet par laquelle Louis XIV ordonnait la jonction des deux troupes, qui a surtout déterminé son exclusion du répertoire."(notice pages VII et VIII)

    Plus récemment, l"archiviste de la Comédie-Française Agathe Sanjuan  note en 2010 que la Critique de l'Ecole des femmes ne fut plus représentée de 1700 à 1835 " Son sort est pourtant meilleur que celui de l'Impromptu de Versailles (...) que les comédiens n'ont pas fait entrer au répertoire  avant 1838 " :

    moliere-oeuvre-critiqueecolefemmes2010.pdf

    C'est avec un grand comédien de cette époque,  l'acteur Samson, que L'Impromptu est remis en scène en mai 1838 ; mais  "après une seconde représentation , la pièce est encore une fois abandonnée " et il faut attendre 1880 , lors du jubilé dramatique, pour qu'un acteur de renom reprenne "un rôle qui jusqu'à nos jours n'aura eu que trois interprêtes, Molière, Samson et Coquelin".

    ComediensComédiens italiens et français  (1670) © archives Charmet

     

     

     
     

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  • Chesterton et la Révolution française

     Chesterton,

    https://victorianweb.org/authors/chesterton/index.html

    écrivant sur la révolution de 1789, avance  une analyse culturelle plus large que la simple opposition entre monarchie et république. 

    https://victorianweb.org/authors/chesterton/frenchrevolution.html

     I - (...) « L’événement le plus important de l’histoire anglaise s’est produit en France. Il semblerait encore plus pervers, mais il serait encore plus précis, de dire que l’événement le plus important de l’histoire anglaise a été l’événement qui ne Chestertons’est jamais produit du tout - la révolution anglaise sur le modèle de la révolution Française. Son échec n’était pas dû à un manque de ferveur ni même de férocité chez ceux qui l’auraient provoqué : depuis le premier cri de Wilkes jusqu’au moment où les derniers feux luddites* furent éteints sous une pluie froide de rationalisme                       

                      Chesterton             

    *Les Luddites étaient des hommes qui prenaient le nom d’un individu (peut-être) mythique, Ned Ludd qui était réputé vivre dans la forêt de Sherwood Les Luddites voulaient essayer de sauver leurs moyens de subsistance en brisant des machines industrielles développées pour utilisation dans les industries textiles du West Riding of Yorkshire, Nottinghamshire, Leicestershire et Derbyshire.


    (...) « Le résultat était que même si l’Angleterre était pleine d’idées révolutionnaires, il n’y avait pas de révolution. Et l’effet de cela à son tour a été que du milieu du XVIIIe siècle au milieu du XIXe l’esprit de révolte en Angleterre a pris une forme entièrement littéraire. En France, c’était ce que les gens faisaient qui était sauvage et élémentaire; en Angleterre, c’est ce que les gens ont écrit. C’est un commentaire pittoresque sur l’idée que les Anglais sont pratiques et que les Français simplement visionnaires, que nous étions des rebelles dans les arts alors qu’ils étaient des rebelles en armes [...]

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     II- Portrait de Carlyle en voyant

    https://victorianweb.org/authors/chesterton/carlyle1.html

    (...) Comme beaucoup d’Écossais disgracieux ou peu attrayants, il était un voyant. Je n’entends pas tant par là se référer à ses rhapsodies transcendantales sur l’âme du monde ou le vêtement de la nature ou les mystères et les éternités en général, celles-ci me semblent appartenir davantage à son côté allemand et être moins sincères et vitales. Je veux dire un réel pouvoir de voir les choses soudainement, qui n’est apparemment atteint par aucun processus; Un grand pouvoir de deviner. Il vit la foule des nouveaux États généraux, Danton avec son « visage

                                           Carlyle fun satire 14276840 jpg                              carlyle-fun-satire

    grossier et aplati », Robespierre regardant timidement à travers ses lunettes. Il vit la charge anglaise à Dunbar. Il devina que Mirabeau, bien que dissipé et malade, avait quelque chose de solide en lui. Il devina que Lafayette, aussi courageux et victorieux soit-il, n’avait rien en lui. Il a soutenu l’anarchie de Cromwell, parce qu’en deux siècles, il a presque physiquement ressenti la faiblesse et le désespoir des parlementaires modérés. Il a dit un mot de sympathie pour les Jacobins universellement vitupérés de la Montagne, parce qu’à travers d’épais voiles de préjugés nationaux et de fausses représentations, il sentait l’impossibilité de la Gironde. Il avait tort de refuser à Scott * le pouvoir d’être à l’intérieur de ses personnages: mais il avait vraiment une bonne partie de ce pouvoir lui-même.  »

    https://victorianweb.org/previctorian/scott/why.html

    *Les Victoriens aimaient Scott, en d’autres termes, non seulement parce qu’il était un merveilleux conteur, mais aussi parce qu’il leur apportait romance, exotisme et aventure, mais les rassurait sur le fait que la classe moyenne anglaise était la voie de l’avenir. Les décors historiques de Scott, l’utilisation efficace du dialecte et l’action souvent tragique offraient une indulgence sans culpabilité et non menaçante dans l’aventure et la romance. Contrairement aux PuginCarlyle , Ruskin, qui ont tous utilisé le Moyen Âge pour attaquer la société contemporaine et ses croyances, Scott a permis aux Victoriens d’avoir le beurre et l’argent du beurre - mais ne devrait-il pas être, « mangez leur gâteau et prenez-le? » Comme le Seigneur des Anneaux de Tolkien, ses livres permettaient aux lecteurs d’accéder à des mondes émerveillés disparus, des mondes qui ne correspondent plus à l’existence actuelle. 

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      Divers textes se rapportant à l'évènement historique  :

    https://victorianweb.org/history/frenchrevolution/index.html

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                                     https://victorianweb.org

                                    https://victorianweb.org/misc/nav.html

     

  • La journée révolutionnaire.

      Durant la période qui voit mettre un terme, dans la violence, à  l'Ancien Régime, à quoi reconnaît-on qu'une journée est révolutionnaire entre 1789 et 1795 ?

     L'observation chronologique  des divers mouvements de révolte qui traversent l'époque ne saurait suffire, s'il ne s'y ajoute  une idée régulatrice qui en  éclaire les motifs.

    Pour ce faire, l'historien Antoine Boulant  propose une définition du concept de « journée»  et dès l'introduction  de Journeerson ouvrage, paru en 2021,  il définit le cadre spatio-temporel de huit journées révolutionnaires parisiennes  :


    Versailles excepté, c'est à la Bastille et au palais des Tuileries que se concentre toute  l'agitation  :

     

    https://passes-composes.com/author/225

    Antoine Boulant ,La journée Révolutionnaire, ed.Passés Composés ©2021

    diqponible également sur https://bibliotheques.paris.fr/

    -1789.

    - prise de la Bastille  ( 14 juillet  )
    -invasion du château de Versailles (6 octobre )
    - 1792.
    - invasion (20 juin) et prise (10 août ) du palais des Tuileries.
    -1793.
    - encerclement ( 2 juin ) puis l'invasion ( 5septembre ) de la Convention nationale.
    - 1795.
    invasion ( 1er avril et 20 mai ) de la Convention nationale.

     

    Les années 1790, 1791, 1794, ne sont pas retenues comme journées révolutionnaires en tant que telles. Un trait commun du concept devant comporter la prise d'assaut d'un lieu de pouvoir,  ( le chapitre 6 s'intitule- L'assaut )ces trois années ne relèvent pas  d'un tel mode d'action. pour autant que l'on comprenne  l'approche comparative et thématique  d' Antoine Boulant.
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    Assaut tuileries 10 08 1792

     

    Assaut des Tuileries 10/08/1792

    Les remarques factuelles ci-dessus,   provenant de l'introduction, sont corroborées par un entretien de l'auteur avec Christophe Dickès du site Storiavoce . 

    https://storiavoce.com/le-peuple-a-lassaut-du-pouvoir-1789-1795/

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     Le chapitre 3 du livre intitulé Meneurs et instigateurs offre une entrée plus facile pour un simple billet. On  voit  se dérouler, entre les pages 59 à 83, une galerie  de portraits regroupés en sous-chapitres : les députés, les municipaux, les clubistes, les journalistes, les meneurs. Ce dernier groupe étant ainsi présenté :

    «Qu'ils fussent députés, responsables municipaux, journalistes ou membres des sociétés populaires, la plupart de ces cadres n'étaient guère susceptibles d'organiser les insurrections sur le  terrain ni de prendre la tête des émeutiers. Aussi les journées sont-elles inséparables de certaines figures qui, sans exercer nécessairement des fonctions de premier plan, surent faire preuve de suffisamment de charisme, de détermination et de sens politique pour émerger dans ces circonstances exceptionnelles.»

     Parmi ces meneurs, l'un des  plus représentatifs, personnage hors normes, est Antoine Joseph Santerre, bourgeois du faubourg Saint -Antoine  célèbre pour ses procédés de fabrication de la bière (p.80).

     Ce notable local à  la tête d'une  troupe de quatre cents  hommes est réputé avoir participé  à la prise de la Bastille. Bien que l'auteur  fasse état de ses faits et gestes  à plusieurs reprises, c'est par fragments qui correspondent à l'exposition du concept qui fait l'objet du livre . 

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    L'écrivain   G. Lenôtre (vieilles maisons, vieux papiers T3,  pp107,133)  esquisse de Santerre un portrait plus détaillé :

    " Au début de la Révolution, dans la région qui sétend de la Bastille à la place du Trône et de Bercy à Ménilmontant, Santerre était à ce point connu et aimé, que la gloire, soudain, vint à lui sans qu'il la cherchât.  À l'assaut  de la Bastille, il ne parut pas : il se contenta sagement d'envoyerImage houel jean prise de la bastille le 14 juillet 1789 ses chevaux pour charrier la paille destinée à incendier les ponts-levis (...) Cependant, la forteresse prise, c'est chez lui -   

    Prise de la Bastille le 14 juillet 1789. Vue du côté de la porte au double pont-levis,  entre  la  tour de la Bazinières et de la Comté. Dessin Jean  Houel  1735/1813.

     la   brasserie l'Hortensia- que  les vainqueurs  portent triomphalement les  clefs des tours et des chaînes enlevées aux  prisonniers (...) Le  jour même, dans l''église  des Enfants-Trouvés, Santerre  est acclamé commandant de la garde bourgeoise du  diistrict ".

    Aujpurd'hui il reste une image contrastée de ce  commandant de la Garde nationale, devenu général républicain lors des guerres de Vendée, et qu'illustre en particulier un  exploit équestre  célébré par un vitrail .

    C'est l'épisode dit du saut de Santerre


    vitrailsanterre

    Détail du vitrail du saut de Santerre, sur fond de champ de bataille______
       vitrailsanterre  (lien de site  provenant de CanalBlog, et n'étant plus disponible, ) voici  une autre  page de lien serrant d' assez près le sujet  :

    https://www.paris-a-nu.fr/les-tambours-de-santerre/

     Une approche historienne soucieuse de scientificité, verrait sans doute là beaucoup de littérature. Si c'est une légende encore faut-il qu'elle reste vraisemblable.

     Indépendamment de sa fuite devant les vendéens, :"Riche brasseur  du faubourg Saint-Antoine , il se passionnait pour les courses de chevaux et se prétendait le meilleur cavalier de Paris après le duc d'Orléans. " indique le dictionnaire de la Révolution de Jean Tulard et al.  collection Bouquins chez  Laffont à l'entrée Santerre.

     

  • Trois Romans et Révolution

    Cette proposition de lecture consiste en une approche sociocritique portant sur Les Chouans de Balzac, Quatre vingt-treize de Hugo et Les Dieux ont soif  de A. France :

    razafindrabedinav-ens-cpn-11-1-.pdf

    l'hypothèse de travail est qu’il existe chez certains écrivains du XIXème siècle une tendance à rendre compte de manière réaliste de la violence et des mécanismes répressifs existant lors de la révolution française et ceci à l’instar de Balzac, de Victor Hugo et d’Anatole France. Trois auteurs qui n’ont pas vécu la révolution (page 4) 

    Vers2 cogniet 001fa                                 image  du peintre Léon Cogniet

    Le courant littéraire justifiant cette interprétation repose sur une théorie de trois réalismes : Le premier, réalisme de la totalité, entend dire le monde. Le deuxième, réalisme de la subjectivité, voudrait dire l’individu. Le troisième, réalisme nihiliste, n’a plus à dire, que le rien. »( page20)

    - L' exemple de Balzac avec Les Chouans, qui ont pour cadre la révolte chouanne en 1799, correspondrait à l'ambition encyclopédique d'universalité [sous forme d'Histoire-discours],  mais également à l'observation de chaque détail, réalisme de plénitude,

    1879 poste de chouans    Julien Leblanc 1879 Un Poste de Chouans  huile sur panneau 72 x 40 cm

    -  L'apparence objective de l' interprétation balzacienne  se voit remise en question par  la subjectivité de l'individu et son romantisme implicite, représenté par Hugo auteur de  Quatre vingt-Treize.  ( Quoique, dans ce livre, le subjectivisme hugolien s'oppose à lui-même à propos de la Vendée.)

    -Plus tardivement, avec Anatole France, le regard rétrospectif se fait plus distancié dans la description de la réalité, .... ce réel est présenté comme un réel de l’absurde où le fondement de la S l1600aavaleur humaine constitue un problème dans le sens du caractère passionnel de la justice révolutionnaire en particulier.

    Ce qui nous est peint, c’est un paysage d’angoisse. Nous pouvons dire à travers cette œuvre d’Anatole France que « la beauté de l’écriture dénonce le scandale du réel » et en ce sens, « le réalisme n’est pas représentation de la réalité, mais déni de cette réalité. » (page 25)

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    Une partie plus spécifique relative  à l'histoire littéraire met l'accent  sur un paradoxe de classification des œuvres :

    « malgré l’évolution  du  courant  littéraire    et  plaçant    la  date  de  1874  dans  le  mouvement réaliste,  Victor  Hugo  a  tenu  à  garder    son  optique  pour  le  courant  du  romantisme . Mais en ce qui concerne   Les chouans de Balzac, cette œuvre est classifiée comme étant  dans  le  réalisme.  Les  chouans,  œuvre  produite  en  1829  se  situe    dans  la période du mouvement littéraire romantique. 
    Que  ce soit Quatre vingt  treize ou Les Chouans, le phénomène semble   paradoxal, voire  anachronique,  si  on  se  situe      simplement  au  niveau  des    époques  qui délimitent les différents courants littéraires. » (page 17)

     

  • Quatre vingt-Treize de Victor Hugo

    L'unité de temps du roman historique de Victor Hugo, Quatre vingt-Treize, est assez restreinte.  Tout  commence Dans les derniers jours de mai 1793, et se termine, sans date précise, en juillet/ août1793 victor hugo quatrevingt treizeab  de la même année. Une voix narrative de portée plus  générale prend le pas sur ce temps du récit chronologique, et tenant lieu de réflexion sur les évènements, ambitionne d'exprimer le sens de l'Histoire.

    L'aspect structurel de la relation entre les trois personnages principaux du livre : Lantenac, Cimourdain, Gauvain. (occasion de rappeler que ce dernier est présenté, respectivement, comme le neveu et le fils adoptif des deux premiers ) ne permet pas de prendre conscience de la dimension romanesque de l'œuvre.

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       L'épisode du Bois de la Saudraie ouvre à la fois l'espace et la dimension d'aventure, de poursuite et de sauvetage. L'incarne au départ, une paysanne mère de trois enfants, trouvée hagarde, tapie au creux d'un buisson, et recueillie par  des militaires, le bataillon du Bonnet-Rouge.

                     Hugo 93 006saudraiea                                                                                                     

    Au terme de cet épisode, ils décident collectivement d'adopter les enfants de Michelle Fléchard : Georgette.  René-Jean. Gros-Alain,

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     Hugo transcende ici toute politique ; mais par la suite, l'émotion  affirmée dans le cours de l'ouvrage, laisse parfois penser à un simple prétexte, comme la trahison d'une cause dépassant les comportements individuels.
    Ainsi, celui, exemplaire, du contre-révolutionnaire Lantenac qui  arrache aux flammes les trois enfants qui allaient périr lors de l'incendie du château de la Tourgue.

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    Après l'emprisonnement et l'évasion de Lantenac, le roman s' achève par le face à face définitif, tragique, entre Gauvain et son père adoptif, son mentor, Cimourdain vêtu de son costume de délégué civil, sur la tête le chapeau à panache tricolore, le sabre au côté et les pistolets à la ceinture ; mais laissons à l'auteur d'une Note de Lecture - "Quatrevingt-Treize" (chez.com) le soin de commenter  l'épilogue :

     « Cimourdain le prêtre se suicide en condamnant à mort Gauvain le prophète. Et Lantenac s'en alla.
     

    On conçoit que les commentateurs républicains aient quelque difficulté avec cet épilogue. Ce qui les gêne, ce n'est pas la mort de Gauvain, c'est le suicide d'un Cimourdain victorieux. Ce qui les consterne, c'est la liberté de Lantenac, ennemi de la "liberté"
    De ce fait, certains recherchent chez Hugo une faute républicaine qui explique cette incroyable défaillance du roman. Quand le soleil se lève surHugo 93 136 1 bb la cour de la Tourgue, occupée par la guillotine vers laquelle s'avance le condamné Gauvain, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes républicains.

    (....)

    " ... au moment où la tête de Gauvain roulait dans le panier, Cimourdain se traversait le coeur d'une balle."

    Le bon républicain Cimourdain se suicide à la mort du traître à la révolution, Gauvain. On approche du scandale républicain absolu. Mais, la dernière phrase du roman est pire encore :                                                                                                                                                            

                 "Et ces deux âmes (de Gauvain et de Cimourdain), soeurs tragiques, s'envolèrent ensemble, l'ombre de l'une mêlée à la lumière de l'autre." 

    La confusion du juge républicain et du condamné, allié objectif de la réaction, est insupportable à l'idéologie révolutionnaire. Ce Hugo, aucune conscience politique ! »

     

  • Sur Les Dieux ont soif

    Dans les  dernières pages (chap.29) de son roman historique Les Dieux ont soif,  Anatole France, sous couvert de la fiction, décrit un nouvel aspect de la réalité, allant des codes vestimentaires aux provocations culturelles  des Muscadins.
     

    Auparavant, au long des 28 chapitres précédents, il s' agit surtout de suivre l'itinéraire du personnage  principal du livre, Evariste Gamelin. 


    Les dieux ont soif-couvertureArtiste peintre, d'abord défenseur exalté de Marat, puis,  juré au Tribunal , on  le voit médusé  parles arguments métaphysiques (
    chap.13) de Robespierre, dont il va suivre la destinée.

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    Pour se limiter à ce dernier chapitre, c'est  lors de la saison théâtrale consécutive aux journées de thermidor,   que l'auteur  situe  l'action   Sous la conduite d'une comédienne, La Thévenin, des protagonistes sont conviés pour un divertissement( Elodie et Julie, amante et  sœur   d'Evariste, notamment ) 

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    « Après  le  dîner,  la  voiture  de  la  Thévenin  conduisit  les trois  amies  et  Desmahis  au  Théâtre  Feydeau. Tout  ce  que Paris avait d’élégant y était réuni. Les femmes, coiffées « à l’antique » ou « à la victime », en  robes  très  ouvertes,  pourpres  ou  blanches  et  pailletées d’or ; les hommes portant des collets noirs très hauts et leur menton disparaissant dans de vastes cravates blanches.
    L’affiche  annonçait  Phèdre  et  le  Chien  du jardinier*»

    * pièce de Lope de Vega

    Une guerre des théâtres

     Le  spectacle en cours est soudain interrompu par les muscadins. Ce qui ne relève pas seulement d'une invention de l'écrivain, de la mise en scène d'une provocation non motivée  .

    Cette agitation culturelle sous la Convention thermidorienne,  avait pour but d'obtenir la dépanthéonisation de Marat, dont le buste, placé dans les théâtres,  symbolisait le  jacobinisme :

    « Dans toutes les salles de spectacle on voyait le buste de Marat  élevé  sur  une  colonne  ou  porté  sur  un  socle  ;  au Théâtre Feydeau, ce buste se dressait sur un piédouche, du côté « jardin », contre le cadre de maçonnerie qui fermait la scène. Tandis  que  l’orchestre  jouait  l’ouverture  de  Phèdre  et Hippolyte, un jeune muscadin, désignant le buste du bout de son gourdin, s’écria :

    — À bas Marat !
    Toute la salle répéta :
    — À bas Marat ! À bas Marat !
    Et des voix éloquentes dominèrent le tumulte :
    — C’est une honte que ce buste soit encore debout !
    —  L’infâme  Marat  règne  partout,  pour  notre déshonneur ! Le nombre de ses bustes égale celui des têtes qu’il voulait couper.
    — Crapaud venimeux !
    — Tigre !
    — Noir serpent !

    Soudain un spectateur élégant monte sur le rebord de
    sloge, pousse le buste, le renverse. Et la tête de plâtre tombe en  éclats  sur  les  musiciens,  aux  applaudissements  de  la salle....» chap. 29, p. 261


    Theatre feydeau par courvoisier et dubois

                                        Le théâtre Feydau par Courvoisier  et Dubois

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    L'étude d"Antoine de Baecque martainville-comique muscadin,  fait état de cette guerre des théâtres, animée principalement par un vaudevilliste politique,  Alphonse Martainville.

    " le 20 pluviôse, sous la pression muscadine et pour mettre fin au vandalisme des scènes parisiennes, la Convention décide de retirer Marat du Panthéon, quatre mois après l’y avoir conduit, " 

    Aussi, quand Anatole France, au sortir de la représentation, poursuit  :
    « Au coin de la rue de la Loi, ils entendirent des chants et des  cris  et  virent  des  ombres  s’agiter  autour  d’un  brasier. C’était  une  troupe  d’élégants,  qui,  au  sortir  du  théâtre Français,  brûlaient  un  mannequin  représentant  l’Ami  du peuple. Rue Honoré, le cocher heurta de son bicorne une effigie burlesque de Marat, pendue à la lanterne. »
    la fiction romanesque semble ici à l'aune de ce qu'observe et relate l'historien. Antoine de Baecque.

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    Notice sur Anatole France  par Marie-Claire Blanquart

    Sur Les Dieux ont Soif

     

  • Romans et Révolution

     

     Les romans sur la Révolution française, s'ils relèvent  du roman historique, forment, vu l'extension du sujet, comme une entité autonome ayant son propre espace-temps .

    fabrique romanesque/fabula.org

    Un compte rendu plus synoptique de cet ouvrage collectif Les romans de la Revolution met en exergue une périodisation littéraire   en quatre moments principaux  :

    « Le projet consistait d’abord à établir un corpus des romans ayant pour sujet la Révolution française, et publiés entre 1790 et 1912 :  plus  de  deux  cents  œuvres  au  total,  dont  l’ensemble  ne  prétend  pas  à  l’exhaustivité mais se veut représentatif.  »
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    " Le corpus commence avec les romans d’émigrés contemporains de l’événement (en particulier ceux d’Isabelle de Charrière, Lettres trouvées dans des portefeuilles d’émigrés, 1793

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    Isabelle de Charriere

    Guilhaumou Jacques. Isabelle de Charrière : Lettres trouvées dans des portefeuilles d'émigrés. 1793. Introduction de Colette Piau-Gillot. Coll. «Des femmes dans l'Histoire ». 1993. In: Dix-huitième Siècle, n°26, 1994.

     

     ou de Sénac deMeilhan, L’Émigré, 1797)

    «Il est français, beau, noble, blessé. Elle est allemande, belle, noble, mariée. Elle le recueille dans son château au bord du Rhin, il la sauve d'un incendie. Ils ne pouvaient pas ne pas s'aimer.

    Product 9782070401451 195x320 1Sous la plume de Sénac de Meilhan, fils d'un médecin du roi, grand serviteur de l'État monarchique, l'anecdote sentimentale devient le révélateur des tensions et des contradictions dans une Europe bouleversée par la Révolution. Car «tout est vraisemblable, et tout est romanesque, dans la Révolution de la France». Des aristocrates en exil sont contraints au travail manuel, certains sont gagnés par les valeurs nouvelles du mérite personnel et par le refus du classicisme à la française. Les frontières idéologiques et les lignes de partage politique sont déplacées par ce roman, publié à Hambourg en 1797, qui voudrait être le substitut d'une histoire de l'émigration .L'Émigré, ce sont ces royalistes qui ont fui une France à feu et à sang, mais aussi tous les exilés qui, loin de chez eux, sont à la recherche de leur identité. »

    jusqu’au roman d’Anatole France, Les  dieux  ont  soif  (1912),  conclusion  ironique  et  distanciée  sur  la  Terreur.  "

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    En diachronie, les quatre moments  retenus  sont :


    - de  1789  à  1815, "  l’heure  est  à  la  « sidération »  , domine « l’incompréhension face à l’inouï » : la Révolution  est occultée ou mise à distance "


    -de  1815  et  jusqu’en  1848, " C’est l’époque des grandes Histoires de la Révolution (Mignet et Thiers dès la Restauration, puis Lamartine, Esquiros, Louis Blanc, Michelet...)... lecture « bourgeoise » de la Révolution, qui aurait dû prendre fin en 1792. "

    - de 1848 à 1870 - "  la littérature industrielle s’empare du sujet ;  la  Seconde  République  développe  une nostalgie  pour  la  grandeur  héroïque  de  la Montagne ; certains comme Dumas ou Sue cherchent à écrire une légende républicaine pour le  peuple  et  à  « intégrer  la  Terreur  au  processus  révolutionnaire ». "

    - La dernière période, de 1872 à 1912,  est  celle  du  « débat  républicain»   C’est  l’époque  du Quatrevingt-treize (1874) de Hugo, mais aussi du roman d’Élémir Bourges, Sous la hache, « roman crépusculaire » 

    « Sous la hache » est un épisode terrible de la chouannerie vendéenne. L’intérêt n’y manque point, et le style en est d’une couleur savante, quelquefois d’une couleur de sang, comme l’époque qu’il raconte.

    Elemirbourges

    Il y a dans ces pages une puissance sauvage qui fait frissonner, d’admirables paysages peints au couteau, on pourrait dire au couperet. J’ai retenu particulièrement un combat que chouans et bleus se livrent dans une église de village, et qui rappelle, par la fièvre et le mouvement, le fameux combat des blattiers du « Chevalier Des Touches ». (Octave Mirabeau, 1925).